• Orléans, ville sainte des pêchés

    Rompu par la fatigue, j'ai dormi longtemps. Je suis incapable d'en préciser la durée exacte. Douze heures ? Dix heures ? Je ne sais vraiment pas.

    En revanche, ce que je n'ai pu ignorer, c'est l'ouverture de la petite porte cochère de l'église et l'irruption de la dame de ménage. Quel réveil ! Elle m'a traité en criminel ! Que je voulais dérober des biens du culte ! Quelle déchéance... En moins de vingt-quatre heures, j'aurai été traité en voleur alors que je suis d'une intégrité inattaquable. Après tout, je souffre déjà d'un gros souci d'orgueil et d'une aptitude ennuyeuse qui vise à mépriser bon nombre de mes semblables, alors je vous en prie, épargnez mon honnêteté, s'il vous plaît.

    Devant cette attaque, pris en plein sursaut du réveil, je dois confesser m'être très mal comporté : j'ai agressé verbalement, avec une violence dévastatrice, cette malheureuse qui ne faisait que son travail, soucieuse de ne surtout pas s'attirer d'ennuis. C'était légitime. Je n'avais pas à m'énerver après elle et j'aurai été bien plus inspiré de conserver mon calme pour exposer ma bonne foi à cette femme. Mon oncle m'a si souvent seriné sur les dangers de la passion et de l'inutilité de la colère. pourquoi n'ai-je pas suivi ce conseil ? Probablement, car je suis un être humain et les êtres humains sont imparfaits. Ils souffrent de bon nombreux de défauts ou peuvent avoir des humeurs qui parasitent leur jugement. C'est pourquoi, nous commettons, moi comme n'importe quelle personne vivant sur cette planète, des erreurs. Mais notre force d'animal pensant est de posséder la raison capable d'analyser nos torts et d'en tirer des conclusions pour s'améliorer.

    D'ailleurs, peu à peu, ma lucidité m'ait revenue et j'ai pris conscience de l'absurdité de ma démarche. Je me suis excusée auprès de la dame en me montrant bien plus aimable. Naturellement, une gêne mutuelle est apparue entre nous. Je suis vite reparti.

    A l'extérieur, le soleil brillait haut dans le firmament et réchauffait les sols humides. Disparue, la tempête ! Envolé, le vent ! Adieu, la pluie ! Mon cher ami était de retour !

    Le cœur en joie, je me suis mis en route pour découvrir toutes les merveilles qu'Orléans avait à offrir. J'ai traversé un quartier entier en m'arrêtant de temps à autre lorsque que quelque chose retenait mon attention. Peu souvent, pour tout vous dire. J'ai finalement atteint le fleuve où une vue féérique sur la cathédrale m'a coupé le souffle.

    Orléans, ville sainte des pêchés

    Ais-je réellement besoin de vous révéler le nom du fleuve devant lequel je me tenais ? Par pitié, faites que le niveau scolaire de notre pays ne soit pas tombé si bas au point ne même plus savoir un élément aussi basique !

    Alors que j'admirais, béat, le cadre magnifique et m'en imprégnais les pupilles pour en graver l'image à jamais dans ma mémoire, des cris ont soudain retenti à mes oreilles. Mon regard s'est baissé vers le quai pour distinguer de jeunes gens qui semblaient avoir mon âge. Une fille se tenait en retrait, paniquée, et observait avec anxiété deux garçons qui se chamaillaient au bord de l'eau glissant.

    Devant le danger qui menaçait, je suis intervenu. De manière, très peu conventionnelle, il me fait bien le reconnaitre. J'ai sauté du muret qui me servait de mon poste observatoire pour les interpeller en me faisant passer pour un Archange protecteur tout en les humiliant.C'était.... C'était vraiment stupide de ma part. Les garçons et moi-même nous sommes querellés. Je les prenais de haut, m'amusant, comme le pauvre imbécile que j'étais alors, de leur faiblesse intellectuelle. Ils ont fini par se retirer, laissant la fille seule.

    Je présume que toute faute doit se payer un jour ou l'autre. De part mon orgueil et ma condescendance, les miennes se sont accumulées et Orléans s'est manifestement résolue qu'il était désormais temps de m'acquitter de ma dette.

    Alors que j'engageais la conversation avec la fille qui me révéla se nommer Sandrine, rien ne se passait dans mon esprit. Tout au plus, j'imaginais que celle-ci serait susceptible de me montrer les meilleurs sites de la ville. Milladious ! Si je savais à l'époque ce qui m'attendait... En me replongeant dans ces souvenirs, je me dégoûte moi-même. J'aimerais réaliser une ellipse et ne pas aborder le sujet mais ce serait agir en lâche. Et je n'en suis pas un ! Alors je vais avouer et vous livrer mon secret le plus honteux.

    Brusquement, contre toute attente, Sandrine m'a sauté dessus. Ses bras se sont pendus à mon cou et elle m'a embrassé. Sur la bouche. Pas une petite bise à la joue. Non ! Je... J'étais stupéfait, tétanisé. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Elle m'a ensuite touché le torse. Aurait-elle pu m'enlever ma chemise en pleine rue ? J'espère bien que non ! En tous les cas, j'ai fini par m'arracher à ma stupéfaction pour la repousser de manière plutôt violente : elle en est tombée au sol, renversée sur le pavé. Je ne m'en excuserai pas. Sandrine m'a agressé. Je suis une victime. Je n'ai fait que me défendre. C'est elle qui me doit des excuses pour son comportement inadmissible.

    A présent, je souhaiterai mettre mon récit en pause et développer un point de vue tout à fait personnel : au nom de quoi a t-il été décrété que tout homme ne pensait qu'au sexe et que celui-ci se sentait obligé de prendre une fille dès que celle-ci se présentait à lui ? Car, non, un homme peut parfaitement discuter avec une fille, sans la moindre arrière-pensée, et s'en porter très bien ! En tous les cas, MOI, je le vis très bien ! Alors, enlevez-vous désormais ces idées de la tête ! Personnellement, je ne suis pas attiré par une fille qui va retirer sa culotte dans un bar pour me la montrer avec impudence. Elle ne me donnera aucune envie de coucher avec elle et je passerai vite mon chemin. Au contraire, une fille avec laquelle je discute en passant un bon moment, cela pourrait éventuellement devenir excitante.

    Parfait ! Le message est-il entré dans vos esprits ? Je l'espère. Pour le salut de notre société, je l'espère du plus profond de mon cœur. Cessons donc de digresser et reprenons le récit :

    En se relevant, Sandrine était furieuse. On aurait pu imaginer de la confusion. Mais non ! Elle s'est plantée devant et, brusquement, de manière totalement incompréhensible m'a ordonné de lui faire tout de suite l'amour. C'est... C'était un moment affreusement gênant. J'ai tenté de protester. En vain. Elle m'a expliqué ensuite mentir sans arrêt à ses copines, au lycée, en prétendant mener une vie sexuelle elle aussi. Elle souhaitait cependant cesser cela et désirait coucher avec un garçon le plus tôt possible pour passer une année de terminale excellente. C'est une décision somme toute logique. Milladious ! Elle mériterait des claques... Alors que je refusais toujours, Sandrine m'a mis au pied du mur : ou je couchais avec elle ou elle partait dans un bar trouver un homme qui la dépucellerait enfin.

    Quel ultimatum !

    A ma place, qu'auriez-vous fait ? J'ai beaucoup réfléchi et hésité mais je me suis résolu à accepter. Imaginer une fille aussi naïve pénétrer dans un bar qui serait certainement louche, c'était l'envoyer au casse-pipe. Elle aurait été au devant des pires ennuis. Je ne ne pouvais la laisser. Je ne le pouvais, quitte à me perdre moi-même.

    Alors, malgré mes entrailles nouées, je l'ai suivi jusqu'à chez elle. Ses parents étaient partis en voyage quinze jours, la laissant toute seule. Confier sa maison à une adolescente de dix-sept ans.... Je suppose que vous imaginez bien dans quel état j'ai découvert les lieux ? On y faisait apparemment la fête chaque soir. De la nourriture, des papiers et des emballages de préservatifs trainaient n'importe où et dans chaque pièce. La vie sociale de Sandrine à cette époque-là semble avoir été plus fournie que sa vie sexuelle.

    A peine arrivés, Sandrine se tourne vers moi et exige de passer tout de suit à l'acte. Je réplique vouloir prendre une douche. Celle-là a la mérite d'être chaude par rapport à celle que j'ai reçu la veille. Lorsque je rejoins sa chambre, très mal à l'aise, je trouve la jeune fille entièrement nue, étendue sur le lit, offerte. Cette vision m'a tout de suite rebuté. Je n'avais pas la moindre envie d'elle. Mais Sandrine a insisté. Elle s'énervait de plus en plus, répétait ses menaces... J'ai cédé. Je n'ai même pas pu lui faire de préliminaires. Elle m'a sommé de la pénétrer sans attendre, ne voulant entendre aucun de mes arguments. Et... Et je l'ai fait.

    C'était un moment affreusement horrible. Je me sens horrible d'avoir pris la virginité d'une jeune fille dans des conditions aussi atroces. J'aurai dû trouver une meilleure solution... J'aurai VRAIMENT dû ! Mais j'étais perdu dans la panique, le stress... Je ne savais plus penser. La prochaine fois que quelque chose comme cela se produit, j'espère avoir une bien meilleure réaction mais je souhaite qu'une telle situation ne se reproduise jamais.

    Que s'est-il passé ensuite après l'acte ? Un moment tout aussi horrible. Sandrine s'est prostrée sur elle-même en s'enroulant dans un drap. Elle pleurait. J'ai voulu la réconforter, essayer de lui faire comprendre qu'elle ne m'avait pas laissé" le choix. C'était un mensonge. Après tout, le choix, on l'a toujours. Je n'étais pas obligé de l'enculer ! Je n'avais pas un pistolet sur la tempe ! Mais je l'ai quand même fait... Je suis aussi responsable qu'elle.

    Sandrine s'est ensuite levée et a fui la chambre. Moi, j'ai souhaité rapidement partir, quitter la maison, quitter la ville. Je ne désirais qu'une seule chose : mettre le plus de distance possible entre cette histoire et moi. Néanmoins, avant de m'en aller, ma conscience a tenu à ne pas abandonner totalement Sandrine. J'ai cherché dans son téléphone quelqu'un à contacté. J'ai déniché sa marraine qui l’appelait chaque jour et lui ait envoyé un message pour lui demander de venir la voir en urgence. Et alors, juste après, j'ai fui.

    Après cette confession, je suppose que vous me jugerez détestable, méprisable, infréquentable... Je le comprends aisément. Ce que j'ai fait ce jour-là est horrible et rien ne pourra m'en laver. Je dois accepter ce fardeau et vivre avec. C'est l'unique chose que je peux faire.

    Voilà.

    Me voici à la toute fin de mon récit qui concerne Orléans et je vais m'arrêter ici. Me souvenir de cette journée et la relater m'a épuisé moralement. Je poursuivrai plus tard.

    ~~ Ambulando meus magna erit, superbia magis.~~ 

     

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