• Rebondissements à Poitiers

    Après trois jours de marche dans une campagne quasi déserte, je redécouvre la grosse ville. J'entre dans Poitiers par les quartiers les défavorisés, défigurés par des dizaines de longs ou hauts immeubles moches dans lesquels s'entassent de bien trop nombreuses familles dans des conditions de vie indécentes.

    Rebondissements à Poitiers

    Alors que j'explore peu à peu l'agglomération en y flânant au hasard, mes oreilles perçoivent les hurlements d'un commerçant en colère après son fils adolescent. Ce dernier lui avait promis l'aider à décharger les marchandises contenues dans sa camionnette. L'ingrat préfère courir voir sa copine, délaissant son père et son engagement. Que peu d'honneur anime ce jeune homme ! Le respect de sa parole devrait pourtant être toujours une valeur sûre et sur laquelle quiconque ne devrait revenir.

    En mon for intérieur, je considère la scène intéressante pour mes affaires. Je m'approche et propose à l'épicier : pendant que lui tient son négoce, je décharge et range ses marchandises. Il se montre réticent mais accepte, contraint et forcé, ne pouvant se permettre de fermer son magasin. Pendant le travail, j'en profite pour recharger totalement mon téléphone. A la fin de la besogne, je vais le signaler à mon patron et celui-ci devient bien plus joyeux en découvrant la qualité de mon labeur. Il me remet une forte somme d'argent et m'accorde le droit de prendre ce que je désire. Quelle belle aubaine ! Grâce à lui, j'ai obtenu gratuitement des vivres pour une semaine complète !

    En quittant l'épicerie, l'après-midi s'achève. Je me décide à chercher un abri et en trouve un dans un terrain de jeux pour les enfants en bas âge. Le portail en était naturellement clos mais al barrière basse. L'escalader m'a pris quelques secondes, tout au plus. Je suis alors dissimulé derrière une benne à ordures qui m'abriterait en plus de la fraicheur de la nuit que je sentais déjà monter. Avant de m'endormir, j'ai téléphoné à ma mère, heureux d'entrer de nouveau sa voix et de lui donner des nouvelles. J'ai ensuite mangé quelques biscuits pour me restaurer et laissé mon corps se reposer enfin.

    Mon sommeil se révéla de piètre qualité. Je fus plusieurs fois réveillé par des bruits d'origine diverse dont je n'ai su comprendre de quoi il s'agissait. A cinq heures, le camion qui ramassait les poubelles me donna le coup de grâce. Je décida de profiter de l'aube naissante et du calme qui régnait encore dans les rues pour partir à la recherche des clochers de Poitiers.

    Voici quelques uns d'entre eux :

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    L'église Notre-Dame de Poitiers.

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    L'église Saint-Hilaire.

    Rebondissements à Poitiers

    La chapelle Saint-Louis.

    Je pourrais vous en montrer encore des dizaines. J'ai exploré la ville pendant pas loin de sept heures et j'ai su découvrir de nombreuses églises. C'était comme un jeu de piste ! Je me suis beaucoup amusé et j'ai vu des sites absolument magnifiques.

    Je suppose que j'aurais pu continuer ainsi tout le reste de la journée mais le destin en a décidé autrement. Alors que je remontais une avenue bondée, j'ai aperçu des racailles frapper un homme à terre, lui donnant même des coups de pied dans le ventre. Les passants s'éloignaient d'un pas rapide, changeaient de trottoirs. Personne ne prêtait attention à l'infortunée victime. Cette agression en pleine rue, devant une multitude de témoins, me révolte encore. Mon sang en frémit à cet instant où je rédige ces lignes. Je condamne cette violence gratuite mais sans encore plus cette lâcheté indolente à ne pas intervenir.

    Sans une once d'hésitation, je me suis avancé pour neutraliser ces brutes. Les trois premières sont vite tombées et ont rejoint les poubelles toutes proches. Un d'eux a même atterri la tête dedans ! Que voulez-vous ? Entre déchets, on s'attire ! Le leader de la petite bande s'est approché à son tour pour me menacer d'un cran d'arrêt, prêt à m’assassiner en pleine rue. J'ai adapté ma stratégie à mon adversaire. Cela présente un avantage indéniable de posséder une intelligence supérieure aussi vive : on s'adapte sans la moindre difficulté à n'importe quelle situation. J'ai rapidement maitrisé l'homme pour l'étendre au sol, à moitié inconscient. J'en ai profité également pour lui casser tous les os de sa main droite du pied. Il a aussitôt crié comme un foret. C'était un son très agréable à entendre dans la bouche d'un individu habitué à semer la terreur sur son passage. Par ailleurs, grâce à cette blessure, il conservera un souvenir éternel de notre rencontre.

    A ma surprise, des policiers sont brusquement sortis d'une voiture en stationnement pour arrêter les hommes qui reposaient au sol. Un brigadier s'est avancé ensuite vers moi pour me féliciter de mon intervention héroïque puis me racontait qu'il recherchait activement le chef de ce gang, surtout que celui-ci a tué un agent un mois plus plus tôt. Parfait ! Et un délinquant dangereux de moins dans la nature, un ! Les choses se sont ensuite compliquées. Le brigadier souhaitait que je l'accompagne pour une déposition des faits. Un devoir que tout citoyen se doit d'accomplir mais auquel je devais impérativement me soustraire ou mon voyage aurait été compromis.

    A présent, je suis forcé de vous révéler la vérité. A cette époque, j'avais quinze ans. Par conséquent, mineur en fugue. Qui plus est, je vivais alors en foyer. Dès que la police aurait confirmé mon identité, j'étais bon pour repartir avec les services sociaux.

    Incapable de supporter la perspective que mon beau voyage s'achève de manière aussi lamentable et que mon été redevienne aussi monotone que les précédents, j'ai négocié avec le brigadier en prétendant devoir retourner rapidement à mon travail, que mon patron en serait furieux autrement, et promettant ensuite de venir au soir pour ma déposition. Il a accepté à contrecœur et j'ai immédiatement filé.

    Sans perdre de temps, j'ai quitté la ville au pas de course en empruntant les ruelles désertes. Après un pareil exploit, n'importe quel agent allait me reconnaitre. Une heure plus tard, je me suis à nouveau trouvé en pleine campagne, mettant le cap vers la Rochelle, ma prochaine étape.

    ~~ Ambulando meus magna erit, superbia magis.~~

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