• La renaissance de l'âme

    Après cette rencontre percutante avec la jeune Thérèse, mon esprit, chamboulé par cette confrontation, avait besoin de se reconstruire, d'analyser et de tirer des conclusions. Mai je n'en étais pas capable tout de suite. Sur le moment, la seule chose que j'ai faite, c'est m'enfuir.

    La renaissance de l'âme

    Voici le parcours fait de nuit entre Narbonne et Sète.

    Je sais : ce n'est pas du tout courageux. Une personne adulte doit accepter ses limites et ses faiblesses quelles qu'elles soient mais je n'en étais pas capable. Mon âme était trop secouée par les coups portées par Thérèse. Sa langue m'avait jeté à terre, rendu inapte à me défendre. Je subissais pour la première fois ce sort que j'avais si souvent infligé à ceux que je pensais qui le méritais par le passé. On dit que les gens sont châtiés par là où ils ont pêchés. Cela parait juste : j'ai péché par les mots, les mots m'assaillent de maux.

    Désireux de quitter au plus vite la ville de mon humiliation, j'ai suivi les panneaux indiquant la direction de Sète et j'ai marché presque toute la nuit. Mon esprit ne songeait à rien. Je repoussais toute idée ou souvenir qui me revenait. C'est lâche. J'en ai bien conscience. J'avançais le long d'une nationale où de nombreux véhicules roulaient, phrases allumés.

    Dans la matinée, je me suis réveillé dans Sète, l'odorat dérangé par l'odeur répugnante d'un clochard. J'étais couché en chien de fusil, juste à ses côtés. Quelle horreur ! Il puait le vin et la bière. je hais l'alcool ! Je l’exècre ! Ce n'est rien d'autre qu'un vulgaire poison, au même titre que le cannabis ou le tabac, dont on se passe très bien. Je vous l'assure : vous n'avez besoin d'aucun expédient autre que votre propre personnalité pour vous distinguer ou vous donner du courage.

    La renaissance de l'âme

    M'écartant au plus vite de ce qui restait de cet homme, je me rends jusqu'au port où j'admire avec plaisir le soleil matinal se refléter sur la mer. Ah ! Ma chère mer Méditerranée ! Comme je je t'aime ! Tu es la plus belle de toutes les mers !

    L'estomac vide, je décide pour une fois de m'offrir un petit-déjeuner dans un café et de manger en terrasse en observant la beauté éclatante de la mer. Après tout, il me reste encore beaucoup de l'argent gagné par le fruit de mon propre labeur. Je peux m'autoriser ce luxe.

    La renaissance de l'âme

    Après ce délicieux repas revigorant, j'ai choisi de quitter Sète. J'avais visité cette ville lors d'un voyage scolaire en CM2 et je m'en souvenais encore bien. Or, nous étions déjà le trois Août 2015. Mon temps devenait de plus en plus compté. Je ne pouvais plus m'accorder le luxe de trop flâner.

    La renaissance de l'âme

    Une fois la carte consultée et l'itinéraire tracé, je m'élance donc à nouveau sur les routes et là mon esprit ne peut repousser plus longtemps les doutes qui m'ont envahi. Très vite, les paroles de Thérèse résonnent en moi.

     

    Voilà exactement le genre de discours qui te rend aussi méprisable à mes yeux. Penses-tu sincèrement tes paroles ? Tu considères donc que nous vivons entourés par les idiots et que seuls quelques élus, comme toi et apparemment moi-même, seraient habileté à les dominer ? D'une certaine manière, tu aurais raison. Je suis d'accord pour affirmer que bon nombre de gens ont des conduites stupides.

     

    Ce que je vais dire à présent risque de choquer. Je m'excuse à l'avance mais ne peux vous dissimuler le fondement même de ma pensée. Je considère notre monde comme rempli d'idiots et d'imbéciles, dépourvus de la moindre volonté et incapables du moindre effort. Plus que tout, je hais ceux qui sont constamment visés à leur smartphone et l'utilisent pour n'importe quelle tâche de leur quotidien. Ces personnes m'agacent et je nourris un profond mépris pour elle.

    Cette pensée, elle était déjà en moi un an plus tôt et elle n'a pas changé. Mais mes relations avec ces gens ont évolué. Même si je suis en désaccord avec leur manière de vivre, je leur reconnais le droit d'exister et d'agir à leur guise même si leurs habitudes m'agacent. Nous vivons dans une société libre où chacun peut agir de la façon dont il ne le désire tant que nous ne montrons pas intrusif dans l'espace de quelqu'un d'autre.

    J'accepte beaucoup mieux cette idée et je peux parler avec ces gens en essayant de les traiter comme mes égaux même si je me sens toujours en esprit supérieur devant eux. Mon orgueil n'est pas facile à dompter.

    Thérèse m'a également montré une autre voie sur laquelle je pouvais m'engager :

    J'estime que ce serait une erreur d'essayer de dominer cette majorité en tentant de faire valoir les droits de notre intelligence. Au contraire, si nous sommes supérieurs à eux, nous ne devons pas être orgueilleux et considérer comme un devoir de prendre soin de ceux qui nous sont inférieurs pour leur permettre de s'élever eux aussi.

     

    Plutôt que de mépriser mes congénères, je dois devenir un pédagogue. Puisque je suis doté d'une intelligence supérieur, mon devoir consiste à aider les autres à s'élever eux aussi pour ceux-ci apprennent enfin à réfléchir et prendre conscience de leurs erreurs. Comme Thérèse peut le faire ! A la vérité, il faut m'inspirer de Socrate qui a consacré sa vie à former les esprits de la jeunesse athénienne.

    Or, Socrate n'insulterait personne. Il ne se moquerait pas non plus de gens faibles et ne les humilierait pas. Ma conduite à Narbonne était inqualifiable et indigne de l'exemple que je dois être.

    A cette pensée, j'ai songé à ce repas partagé dans la famille gérant une exploitation viticole. Ils m'avaient demandé le récit de mes aventures mais j'avais senti une gêne entre eux et moi. J'ai compris pourquoi grâce aux paroles de Thérèse lorsqu'elle a évoqué ses voyages humanitaires en compagnie de ses parents : les personnes qui n'ont jamais bougé, qui ne connaissent pas de telles expériences, ne peuvent nous comprendre. J'en ai sous doute trop dit. Par ailleurs, ma manière de raconter se révèle trop académique. Je devrais corriger ce défaut et trouver le moyen de m'adresser à une public peu instruit sans donner l'impression de leur faire cours.

    Toutes ces mauvaises manières, je l'ai doit à mon oncle. Pendant neuf ans, am mère s'est chargée de m'inculquer comment être un garçon bien élevé et à développer un esprit critique. Mon oncle a ensuite pris en charge de former mon caractère pendant quatre longues années. J'ai de merveilleux souvenirs grâce à lui qui me resteront pour la vie. Néanmoins, en contrepartie, il m'a aussi enseigné une bien mauvaise attitude dont je n'arrive plus à me séparer : mon orgueil.

    En société, mon oncle avait une attitude plus que hautaine et méprisait toutes formes de conventions sociales, ne disant les formules de politesse que par obligations. Il se montrait toujours blessant avec ceux qu'il considérait comme des imbéciles et n'hésitait jamais à exprimer de vive voix, devant la personne incriminée, le fond de ses pensées. Autant dire que sa réputation s'est rapidement établie. A chaque fois, pour se justifier, il rappelait une anecdote sur un enfant malade ou victime de la guerre rencontré lors d'une de ses aventures vécues quelque part autour du monde. Cela lui permettait de clore un débat à son avantage. Il utilisait ces mêmes histoires sur moi pour m'encourager et m'obliger à accepter les épreuves qu'ils m'imposaient.

    A l'époque, je considérais l'attitude de mon oncle normale. Je le jugeais fort et j'aspirais à lui ressembler. D'ailleurs, je suis parti en voyage dans l'idée de me confronter à son ombre qui me hante perpétuellement.

    Mais je me trompais. Mon oncle n'était pas fort du tout et je l'avais déjà dépassé quand je n'étais encore un enfant lorsque par ma politesse et ma bonne éducation. C'était incontestablement un grand explorateur et ses aventures sont incroyables. Il n'en pas moins un piètre être humain en matière de relations à l'Autre. Invoquer une histoire d'un enfant en difficulté de l'autre côté de la planète n'est pas un argument recevable. Il ferme tout débat et empêche toute réflexion supplémentaire. Nous demeurons avec l'image de ce malheureux dans nos tête. Honnêtement, je pense que c'est aussi violent que d'imposer ses idées par les poings. Nous disposons tous d'un cerveau : utilisons-le pour trouver de véritables arguments qui ouvre une discussion vers des idées nouvelles !

    A cet instant, au fil de ces réflexions, je prends conscience à quel point mon orgueil est devenu terrible. Cela me remet alors en mémoire la réplique de Darcy dans Orgueil et Préjugés :

    Jai pris à tâche d'éviter les faiblesses en question, car elles amoindrissement les esprits les plus équilibrés. Oui, la vanité est véritablement une faiblesse, mais l'orgueil, chez un esprit supérieur, se tiendra toujours dans de justes limites.

    La vanité.... C'est exactement vers là où mon orgueil, poussé au-delà des limites du raisonnable, s'est développé. J'ai peu à peu imité mon oncle et commencé à prétendre à mes congénères que j'étais leur supérieur. Cela peut être vrai mais ce serait une erreur de leur dire. Mes paroles m'apporteraient que douleur et colère. J'aurai dû le comprendre plus tôt. Durant mon voyage, après tout, lorsque je me suis lié à des gens, c'est parce que j'avais fait preuve d'une véritable gentillesse. Le curé de Chartres, mon ami historien Bernard Chaillot, le couple Mangeon, mon cher petit Evan, la singulière Agnès à Bordeaux, l’éphémère Jérôme à Dax, l'inoubliable Maria, Miguel qui m'a conduit sans me connaitre à Pampelune et m'a même offert le petit-déjeuner, la documentaliste qui voulait me proposer des sentiers de randonnée...

    A cet instant, en contemplant les souvenirs de mon voyage et surtout de mes rencontres, j'ai enfin compris mes erreurs. Je sais désormais comment je dois me comporter avec l'Autre et je me jure de ne plus reproduire une faute comme celle de Narbonne.

    La renaissance de l'âme

    Tout au long de mes réflexions, je poursuis ma route sans observer beaucoup le paysage. Mes pensées m'occupent trop. Je regarde cependant à Frontignan que je dois malheureusement dire au revoir pour la seconde fois à ma chère Méditerranée.

    Deux heures plus tard, j'aperçois les premiers immeubles de Montpellier.

    ~~ Ambulando meus magna erit, superbia magis. ~~

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