• Double rencontre à Montpellier

    En arrivant à Montpellier, je ne regardait rien. Mon esprit était bien trop préoccupé par une idée bien plus prenante : la soif. Je mourrais de soif ! En raison de ce qui s'était passé à Narbonne, j'ai oublié de procéder à mon ravitaillement si bien que mon sac est presque dépourvu de toute nourriture. Il me reste à peine la moitié d'une bouteille d'eau. Pour survivre tout le long de mon trajet, j'ai avalé les quelques fruits encore en ma possession. Ils rafraichissent la gorge et nourrissent même si cela ne vaut naturellement pas une bonne rasade d'eau.

    Double rencontre à Montpellier

    Voici mon trajet accompli ce jour-là.

    La gorge sèche, je erre d'un pas rapide dans les rues à la recherche du moindre espoir qui me donnera à boire. Ma langue est pâteuse et me colle au palais. La transpiration me coule dans la nuque et glisse le long de mon dos. Mon corps entier souffre de la chaleur et réclame à grands cris de l'eau. A boire ! A boire ! Je veux boire !

    Je pense, heureusement, que bon nombre de personnes qui liront ces lignes ne comprendront pas la sensation qui m'envahissait à ce moment-là. C'était pourtant d'une oppression si forte ! Une véritable torture ! Un supplice digne de l'Inquisition Espagnole ! Si vous souhaitez comprendre, restez au soleil une heure complète sans rien boire. Pas une fois. Je suppose que cela vous aidera à prendre conscience du calvaire qu'est la privation d'eau et combien, nous, misérables humains, en sommes totalement dépendants.

    Double rencontre à Montpellier

    Finalement, avec un bonheur inimaginable, je découvre un distributeur de boissons devant un cinéma. J'achète au hasard une bouteille et la vide aussitôt en presque une seule gorgée.

    A cet instant, je suis interpelé par deux jeunes gens de mon âge : une fille un garçon qui s'étonnent de ma grande soif. Tous deux sont roux et il est plus que visible que ce sont un frère et une sœur. En les apercevant, j'ai eu une réticence. Moi, ordinairement, si à l'aise avec les mots, je n'ose pas parler. Je redoute de montrer à nouveau méprisant et de blesser quelqu'un sans m'en rendre compte. Mais je ne peux pas fuir non plus. Les épreuves de la vie, c'est comme le cheval ou à vélo : si on tombe, il faut se relever tout de suite et remonter.

    Rassemblant mon courage, j’explique avoir marché toute la journée en essayant de ne pas évoquer de mon voyage pour ne pas paraitre prétentieux. Raté ! La vile remarque mon sac et mon apparence. Elle croit que je suis un SDF. Je suppose que le raisonnement est assez juste. J'explique, par un demi-mensonge être en fugue jusque la rentrée car j'ai eu envie de me prendre pendant les vacances pour Rémi après avoir relu Sans famille. Je suppose que j'ai inconsciemment pensé à mon petit Evan en cherchant cette excuse. La fille en est très enthousiaste et me compare à Sacha puisa joute que son frère et elle sont les dresseurs aléatoires que celui-ci rencontre au fil de sa route. Sympa !

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    Les présentations se font ensuite. Le garçon se nomme Marc et la fille. Il me recommande de ne pas évoquer un certain film devant sa sœur ou ce serait légèrement dangereux. Je vous laisse deviner lequel. A moins de vivre dans une grotte ou au sommet d'une très haute montagne, la réponse devrait vite fuser.

    Marc se tourne vers moi et m'interroge sur pourquoi je souhaite retourner en classe au lieu de profiter de ma liberté acquise. Malgré les tentatives de sa sœur, il soutient que le chômage existe partout et l'école ne lui apportera aucun travail. Il songe à prendre vite une femme pour faire de nombreux enfants et ainsi toucher les allocations familiales.

    Devant son rejet du système, je reste calme et essaie de trouver une idée intelligente pour le sortir de là. J'en viens à lui demander ce qu'il aime : les histoires de chevaliers. Je demande ensuite de me conduire à la bibliothèque. Là-bas, au rayon jeunesse, je déniche plusieurs romans, de différents niveaux de lectures, et suggère à Marc d'essayer de les lire.

    Au début, il est hésitant mais obéit puis, à la stupeur d'Elsa, le garçon reste plongé dans sa lecture. Eh voilà ! Lire les ouvrages que des professeurs proposent est souvent ennuyé. Lisez ce que vous, vous voulez ! Ne laissez pas quelqu'un d'autre décidez de votre vie !

    Jusqu'à l'heure de la fermeture de al bibliothèque, nous lisons dans le plus grand des silences. Le frère et la sœur me propose de venir ensuite chez eux pour al nuit en expliquant que leur mère travaille de nuit à l'hôpital et les laisse donc seuls. J'apprends à l'occasion qu'Elsa est née en Janvier 1999 et Marc, par accident, neuf mois plus tard, en Octobre.

    Double rencontre à Montpellier

    En entrant dans leur appartement, je constate que les lieux sont propres. Rien ne traine nulle part? Pas même un papier ou un emballage ! En songeant que ce sont deux adolescents vivant seuls avec une mère travaillant sans cesse, on pourrait croire le contraire mais il se révèle très agréable que contraster que jeunesse et responsabilités s'associent très bien ensemble.

    Elsa se met aux fourneaux et nous réchauffe une jardinière maison pendant que son frère cuit la viande. Le repas est délicieux. Nous faisons ensuite la vaisselle puis jouons au Monopoly. Elsa gagne et tire un plaisir immense à nous plumer. Elle jubile ensuite à compter lentement, très lentement, son argent pour nous agacer.

    Nous allons nous installer ensuite pour dormir. Marc me propose son lit. Quelle idée ! Je ne lui en priverai pas, surtout que j'ai l'habitude depuis deux mois à dormir sur un sol très dur. En comparaison, la moquette de l’appartement, c'est un matelas d'un luxe incroyable !

    Au lendemain matin, après une longue de nuit d'un sommeil ininterrompue, je me réveille sous l'effet d'une douce odeur me chatouillant les narines. je me lève et aperçois les lits vides mais surtout déjà faits. Quelle maison bien tenue ! Dans la cuisine, Elsa cuit des crêpes. Une grande pile orne la table. Elle veut que j'en emporte pour la suite de mon voyage. De son côté, Marc lui remplit mon sac de boite de conserve de fayots de fruits et de bouteilles d'eau. Ils sont fous ! Leur générosité est incroyable et si inattendue ! J'en manque de bégayer en les remerciant.

    Aujourd'hui, en songeant de nouveau à ce moment, je mesure encore plus combien mon orgueil démesuré m'empêchait de créer tout lien avec les autres.

    Ainsi, mon sac rempli de bonnes provisions, je salue avec bonne humeur mes merveilleux amis et je reprends la route. Prochaine étape : Avignon !

    ~~ Ambulando meus magna erit, superbia magis. ~~

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