• Adieu, Espagne !

    Perdu dans l'obscurité de la nuit, seulement guidé par le simple rayonnement de la lune comme torche électrique, je cherche la nationale. Mon but est simple : trouve une voiture qui acceptera de me conduire jusqu'au plus près de la frontière française. Imaginez-vous que je triche ? Oui, je sais, j'avais annoncé que mon voyage s'effectuerait par l'unique force de mes pieds mais je n'en avais pas le choix. Rappelez-vous : je dois regagner mon point de départ pour la rentrée. Or, nous étions déjà le 23 Juillet 2015 et il m'a fallu plus de trois semaines pour traverser toute l'Espagne. Je ne disposais pas du luxe de refaire ce trajet en sens inverse. J'ai ainsi choisi la solution du stop pour économiser du temps et me ramener au plus près de mon pays natal.

    Lorsque j'ai atteint la route goudronnée qui sinuait dans les collines montagneuses, j'ai posé un instant mon sac pour y prendre un briquet. Je ne m'attendais pas à apercevoir une voiture à une heure aussi tardive. J'imaginais continuer ainsi ma route jusqu'à Lavacolla qui se situait à une heure et demie de marche de Saint-Jacques de Compostelle. De là, je me disais que je trouverai un banc pour y dormir jusqu'au matin et chercher ensuite un conducteur qui accepterait de me prendre à son fort jusqu'au plus près de la frontière. Néanmoins, je préférais être prévoyant : les chances étaient certes maigres mais pas non plus inexistantes.

    Alors que je progressais le long de la chaussée, j'ai soudain aperçu des phrases dans mon dos. Immédiatement, j'ai actionné mon briquet et tendu haut la flamme dans l'espoir que le conducteur la remarque. En vain. Il ne s'est pas arrêté. Il n'a même pas amorcé un ralentissement. Je me remets à marcher et découvre quelques plus mètres le véhicule stationné sur le bas-côté. Pourquoi ? J'imagine une panne. A ce moment, je crois entendre la voix de Maria qui me dit que c'est peut-être un signe de Dieu pour inciter les gens à se montrer généreux. Je rétorque que c'est un simple fait du hasard et que ma présence sur cette route n'aurait rien changé à ce fait.

    Soudai, la portière s'ouvre et le conducteur s'avance vers moi. Méfiant, je me tiens sur la défensive, prêt à me battre si celui-ci m'attaque. Néanmoins, à ma stupeur, il me demande si c'est bien qui agitait une lueur au bord de la route. Incroyable ! Alors il avait malgré tout décidé de s'arrêter pour un inconnu... Les êtres humains ont vraiment des réactions imprévisibles.

    Afin de gagner sa confiance, je raconte un demi-mensonge en expliquant être un étudiant profitant de l'été pour se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle mais que je cherchais à présent à regagner vite la frontière pour être à temps chez moi pour la rentrée. Je précise venir de Rouen. L'homme est impressionné et sourit. Il ajoute connaitre assez bien la France pour y avoir passé quelques années dans le cadre d'un Eramus et est désormais un représentant vendant des produits à travers tout son pays. Il me confie se rendre à Pampelune et m'invite à monter avec lui. J'accepte avec plaisir tout en le remerciant de sa grande générosité.

    Alors que m'installe dans la voiture, l'homme m'annonce se nommer Miguel Vasquez. Nous n'avons guère le temps d'échanger davantage : à peine le moteur est relancé que mes yeux se ferment. Mon corps s'assoupit pour se plonger dans un long sommeil réparateur.

    J'en profite pour vous montrer toute la carte de l'Espagne :

    Adieu, Espagne !

    Eh oui ! J'ai parcouru un très long chemin entre la frontière et mon objectif, n'est-ce pas ?

    Le lendemain matin, le soleil est déjà haut quand Miguel me réveille en douceur. Nous sommes déjà à Pampelune : il a roulé toute la nuit. Mon compagnon m'invite à prendre le petit-déjeuner en sa compagnie mais m'interdit de refuser malgré toutes mes vaines protestations. Tant pis ! J'en profite pour me remplir le ventre de nombreuses viennoiseries nourrissantes.

    Après ce copieux repas, nous nous disons adieu. Je le remercie encore pour sa formidable générosité. A la suite de cette séparation, je commence à errer seul dans les rues de Pampelune afin de visiter la ville mais la vision de nombreux couples enlacés tendrement, s'embrassant, se faisant des caresses, me noue le ventre. Je songe naturellement à Maria et toute la douleur que représente son absence en moi. Mes entrailles sont nouées. Je me sens vide, comme si une partie essentielle de mon âme s'était subitement désagrégée. Néanmoins, celle qui reste est forte et déteste l'image du garçon que je suis en train de me devenir.

    Révolté, sans songer un instant du lieu dans lequel je me tiens, je me gifle pour me sortir de ces pensées ô combien dangereuses. Je me décide à quitter l'Espagne pour me soustraire aux souvenirs qui m'y rattache. Je me dis que je ne songerai plus alors à Maria. Quelle naïveté.

    Cherchant un moyen de passer illégalement la frontière, je passe au hasard devant un hôtel et je perçois à ma surprise des voix qui s'expriment en français. Quel choc ! Cela fait des semaines que je n'ai pas entendu des sons de ma langue maternelle ! Ce sont trois hommes qui n'ont rien de touristes. D'abord, leur tenue n'est pas celle de vacanciers. Bien trop stricte. Ensuite, ils chargent leurs valises dans un véhicule dont les vitres sont en tain. Ce détail m'interpelle beaucoup. Qui sont-ils donc ?

    Dissimulé derrière une autre voiture en stationnement, je les observe avec une attention accrue. Celui qui parait être le chef annonce aller payer la note de l'hôtel. un second s'éloigne aussi. Il n'en reste plus qu'un qui se tortille sur le trottoir, animé apparemment par un besoin plus que pressant, et finit par partir en courant. Je souris. L'occasion est trop belle ! Je dois la saisir !

    Sans une once d’hésitation, je me précipite et saute dans le coffre demeuré grand ouvert. Quelle aubaine ! Derrière la rangée de bagages fit une vieille couverture miteuse. Je la soulève puis m'étend sur le flanc pour masquer la présence du sac vissé sur mon doc et l'étend ensuite sur tout mon corps. Pourvu que cela suffise ! Pourvu qu'ils ne me remarquent ! C'est ma meilleure chance de passer la frontière ! Je les ait entendu : ils vont à Perpignan. Dès leur premier arrêt en France, je trouverai le moyen de leur fausser compagnie.

    J'ai tout juste achevé de me cacher que j'entends les hommes revenir et retient un soupir de soulagement. Un d'eux s'approche du coffre mais pour s'y asseoir. Il se retire vite quand le chef appelle pour ordonner de monter en voiture. Hourra ! Ils n'inspectent rien ! Je suis sauvé ! Ils vont me faire traverser la frontière sans le savoir !

    Le cœur gonflé par l'espoir de revoir mon pays natal, j'écoute la voiture démarrer au milieu de la conversation et des cris de l'auto-radio. Je quitte l'Espagne, cette terre que j'ai pourtant profondément aimé. Prochaine étape : la France ! 

    ~~ Ambulando meus magna erit, superbia magis. ~~

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